Vous êtes ici
Bliesbruck à la lumière de Pompéi – Les croyances religieuses.
La religion rythmait la vie quotidienne des citoyens romains. Ils savaient ce qui était dû aux dieux et s'en acquittaient scrupuleusement, espérant d'eux des largesses en retour. Sur les laraires1, la famille honorait le Génie et les Lares, dieux protecteurs de la maison. Chaque jour, le maître accomplissait une libation en versant du vin, de l'huile ou du lait sur l'autel. L'exposition en présente deux. L'un vient de la villa de Terzigno, à six kilomètre au nord de Pompéi. La peinture représente les offrandes que l'on faisait aux divinités domestiques ; le serpent, très souvent représenté sur ces fresques, était le symbole de la fertilité ou le signe du génie des propriétaires. Le second autel appartenait à la villa de Carminio, à Gragnano, une ville proche de Pompéi. Il prend la forme d'une façade de temple. Le serpent figure cette fois au dessous de l'autel. On a aussi représenté, comme souvent, les dieux chargés du bien-être des membres de la famille, des serviteurs et des esclaves. Ici, c'est Minerve, protectrice de Rome et patronne des artisans, qui est vénérée2. Alors que la Campanie privilégiait la représentation picturale, les statuettes en bronze sont plus fréquentes dans les provinces de l'Empire. Dans le laraire de Vitudurum-Oberwinterthur, par exemple, quatre statuettes représentaient des dieux, notamment Minerve et Mercure. Selon César, les Gaulois considéraient ce dernier comme le dieu le plus important ; il conserva ce rang après la conquête. Il protégeait lui aussi les artisans et les commerçants. On le reconnaît à ses attributs : la bourse, le caducée et le chapeau ailé. Il est souvent associé à un coq et à un bélier.
D'excellente facture, le lot de figurines de la maison de corporation à Schwarzenacker comprenait lui-aussi diverses divinités. Cette salle exceptionnelle était divisée en longueur par une rangée de colonnes, dont deux, avec un plateau, servaient de tables. La salle supérieure était ornée de représentations mythologiques grandeur nature ; sur l'une d'elle figurait Bacchus. Bacchus est l'équivalent du dieu grec Dionysos, beaucoup plus ancien. Les Romains l'ont adopté, comme bien d'autres divinités étrangères. Il est le dieu de la végétation arborescente, du vin et de la vigne, de l'ivresse et des débordements. On le vénérait pour la fécondité qu'il offrait au monde. Les fêtes qu'on organisait en son honneur s'appelaient les bacchanales. Bacchus, souvent représenté la tête couronnée de lierre ou de feuilles de vignes et le thyrse à la main3, ne prit l'aspect d'un enfant ou d'un adolescent qu'à partir du IIIe s. av. J.-C.4. Sur les fresques, le dieu est accompagné de Silènes et de Satyres ; la panthère lui était associée5. Puisque les grands propriétaires terriens de Pompéi tiraient leurs revenus de la vigne et du vin, les allusions à Dionysos y sont visibles partout. La statue de l'Ephèbe, une des pièces maîtresses de l'exposition, représente Dionysos. Elle est en bronze et fait 1,31m de haut. Elle faisait partie du mobilier de la maison du riche Fabius Rufus, située dans l'Insula Occidentalis de Pompéi. Cet objet décoratif était en réalité un porte-lampe. A l'origine, le dieu portait avec élégance une corne d'abondance de la main droite6. Dans la main gauche, il tient des sarments de vigne entremêlés et chargés de petites grappes de raisins qui semblent soutenir deux plateaux. Quatre lampes y étaient fixées qui illuminaient le dieu avec majesté. Une statuette de Bacchus à la panthère figure le dieu sous les traits d'un enfant, avec une lourde chevelure couronnée de feuilles de vigne et de grains de raisin. L'opulence des détails suggère la puissance de la nature. Il porte de hautes sandales, une peau de biche drapée sur la poitrine et tient un thyrse. Cette image servait au culte domestique dans une maison pompéienne.
Un élément décoratif, indirectement lié au culte dionysiaque, a été retrouvé à Bliesbruck. Il s'agit d'une applique de coffre, en bronze, représentant un Silène. Elle illustre elle aussi le luxe domestique. Les familles de Bliesbruck pratiquaient également ce culte divinatoire, mais invoquaient plus souvent des divinités féminines. Après la conquête, les habitants de la Gaule romanisèrent leur pratiques religieuses, mais Rome laissa se poursuivre les cultes anciens. On ne s'étonnera donc pas de rencontrer à Bliesbruck des représentations de dieux vénérés plus particulièrement dans cette région, comme Epona, qui protégeait les voyageurs. La superstition teintait fortement les croyances religieuses. A toutes époques, en tous lieux, elle a permis de supporter les difficultés. Les amulettes abondent dans les fouilles. Se garder du mauvais œil était une préoccupation constante, qui apparaît partout dans les objets de la vie quotidienne.
- 1. Le laraire est un petit autel domestique qu'on trouve dans la majorité des habitations.
- 2. En 80 av. J.-C., lorsque Pompéi devint colonie romaine, on transforma le temple de Jupiter en Capitolium dédié au culte de la triade capitoline, Jupiter, Junon et Minerve.
- 3. Le thyrse est une sorte de sceptre enlacé de feuilles de vigne et de lierre, surmonté d'une pomme de pin.
- 4. Auparavant, dès la fin du VIe s. av. J.-C., Dionysos était un homme adulte à la barbe pointue et revêtu d'une longue robe à l'orientale.
- 5. Comme on peut le voir sur les mosaïques de Pella et de Délos.
- 6. Cette corne d'abondance a disparu.