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Le serpent.
Le serpent est certainement l'animal le plus chargé de symboles et le plus représenté depuis la préhistoire. C'est aussi le premier cité dans l'Histoire Sainte. Son image, en général associée à la femme, est le symbole de la tentation : Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs qu'avait faits le Seigneur Dieu. Il dit à la femme : « Dieu vous a-t-il vraiment défendu de manger du fruit d'aucun arbre du jardin ? »1.
Le serpent engendre la peur et l'homme éprouve pour lui une aversion naturelle : Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les animaux et les bêtes des champs. Sur ton ventre tu ramperas, et la poussière mangeras tous les jours de ta vie. »2.
Mais loin d'être maudit par nos lointains ancêtres, il leur parut au contraire digne de vénération. Chez les Egyptiens, le naja dressé, Uraeus, portant un disque solaire sur la tête, était l'emblème du pharaon. Les Grecs élevaient des serpents pour leur pouvoir curatif supposé dans les temples d'Asclépios : à Epidaure, où l'on venait chercher la guérison, des serpents non venimeux se promenaient en toute liberté. Attribut d'Esculape, le dieu de la médecine chez les Romains, le serpent, en changeant de peau, semble renaître. Le Caducée, l'insigne de héraut, est l'attribut de Mercure ; sa forme traditionnelle représente la dualité (les deux sinusoïdes symbolisées par des serpents en opposition de phase). L'équilibre entre les deux forces opposées produit la voie du juste milieu correspondant à l'axe vertical. Les opposés se rejoignent en bas, en haut et au centre du cercle où se produit la libération et le rayonnement (symbolisé par les ailes).
Dans sa forme moderne, une des sinusoïdes (ou serpent) a disparu. C'est le déséquilibre : notre monde ne considère que la partie matérielle et oublie la partie spirituelle. Les ailes ont aussi disparu : le monde moderne s'identifie à son corps physique et oublie sa dimension cosmique. Rassurez vous, l'histoire finit bien ! Les hommes finissent par s'apercevoir que l'esprit et la matière sont deux manières différentes de voir une seule réalité.
Plus près de nous, chez les Celtes qui peuplaient la forêt de Haguenau à l'Âge du Fer, le serpent tenait un rôle symbolique. Les colliers et bracelets en bronze avec serpents en relief trouvés dans les tertres funéraires en témoignent. Comme la forêt de Haguenau présente la plus forte densité de ces bijoux en Europe, on peut penser que les serpents y étaient particulièrement nombreux à l'époque de Hallstatt (550 à 475 av. J.C.). Voici la carte de la distribution géographique des torques et bracelets ornés de serpents en relief3.
Sous les pieds de la Vierge d'une statue du XVIIIe siècle conservé au presbytère Saint Nicolas, le serpent rappelle le péché originel. L'animal mord la pomme de la discorde. La Vierge exprime la nécessité de dominer ses instincts pour atteindre la béatitude. Elle terrasse le serpent mais ne le tue pas car il est aussi le symbole de la résurrection, il perd sa peau et se développe dans une nouvelle enveloppe4.
Les serpents ont disparu de la région de Haguenau, mais le lieu-dit Schlangenwinkel5, en aval du pont du Château Fiat, encore cité en 1475, rappelle leur présence dans la vallée de la Moder6 .Dans la chapelle des Annonciades, une fresque de 1473 montre Adam et Eve victimes de la ruse du serpent.La gravure la plus ancienne connue de Haguenau remonte à 15777. Elle montre la ville vue du sud. Le titre résume en deux mots les craintes du peuple : UNDIQUE PERICULUM8. On y voit un homme touché par la foudre et les serpents, les dangers qui hantaient tous les esprits, symbolisant la peur de perdre la vie et les biens matériels.
Les serpents tiennent une bonne place parmi les motifs des grilles forgées du Musée Historique.
Le serpent qui se mord la queue est une allégorie de l'éternelle renaissance.Une œuvre d'art abstrait de Gérard Voisin, le Cobra, a été posé en 1998 devant un petit immeuble collectif, au bord du chemin du Député Hallez, dans le nouveau quartier de l'Europe.
Malgré ses quelques aspects positifs, le serpent est toujours antipathique dans notre civilisation. Même s'il figure sur des blasons, on ne le trouve pas parmi les noms de familles. Il en va autrement dans d'autres cultures. Le tout nouvel Espace Africain, aux Missions Africaines, expose un python en bois peint qui appartient au culte vaudou du Bénin9.
- 1. Gn 3, 1.
- 2. Gn 3, 14
- 3. F.A.SCHAEFFER, Les tertres funéraires préhistoriques dans la forêt de Haguenau. II. Les tumulus de l'Âge du Fer, p. 238.
- 4. Avant sa rénovation, l'église de Reichshoffen était décorée de fresques naïves représentant l'Enfer et le Paradis. L'Enfer était plein de serpents. Cf Emile HINZELIN, En Alsace-Lorraine, Plon, 1905.
- 5. Coin des serpents.
- 6. Cf Batt II, p. 113 : Anno 1475 hieß es schon von einer im Schlangenwinkel, unterhalb der Schlöselbrücke bei der Hugesfurt, gelegene Matte.
- 7. La date est donnée par MEISSNER, in Saisons d'Alsace n° 58, p.32. Certains écrits indiquent la date de 1642.
- 8. Des dangers partout.
- 9. L'Espace Africain ouvrira ses portes en octobre 2006. On pourra y voir une importante collection provenant de l'Afrique du nord-ouest.